Animés par l’idée d’un Pacte Vert qui existe depuis déjà bien des années, les plus vertueux de nos dirigeants politiques parlent aujourd’hui de « reconstruire nos économies en mieux» à l’issue de la pandémie du coronavirus que nous espérons pour cette année 2021. Voilà pourquoi les débats se poursuivent de plus belle au sujet des technologies durables qui façonneront notre avenir, non seulement en termes de production d’énergie verte, mais en termes des défis posés par son transport, son stockage et son utilisation finale.

 

Joe Biden propose un plan vert de 2 mille milliards de dollars pour l’industrie américaine. Mais sur quoi reposera-t-il s’il est mis en oeuvre?

 

Dans ce nouveau contexte, nous entendons beaucoup dire que les piles à combustible des nouvelles générations de véhicules à hydrogène supplanteraient les batteries des voitures électriques en tant que thème déterminant de la transition énergétique. Mais pourquoi donc le discours évolue-t-il en faveur de l’investissement dans l’hydrogène, et notre nouvelle foi en une «économie de l’hydrogène» est-elle justifiée technologiquement et économiquement? Et qu’en est-il pour les métaux rares, dont le rôle devient toujours plus central dans l’évolution de nos secteurs énergétiques? Telles sont les questions auxquelles nous tenterons de répondre au cours de nos deux prochains articles.

 

Pourquoi une transition vers l’hydrogène?

 

L’ hydrogène était le carburant des missions Apollo. Qu’en est-il aujourd’hui ?

 

Depuis que la combustion d’hydrogène a été utilisée pour la propulsion de fusées spatiales il y a plus d’un demi-siècle, l’idée d’un déploiement économique généralisé de l’hydrogène carburant fait l’objet régulier de débats et de recherche scientifique. L’idée d’une «économie de l’hydrogène» existe en effet depuis si longtemps que l’hydrogène en est venu à être considéré comme une technologie du futur qui allait le rester: le carburant dont les seuls déchets sont la chaleur et l’eau resterait une fantaisie sans viabilité réelle.

Car jusqu’à présent, l’hydrogène se heurtait à plusieurs problèmes :

  • Piles à combustible (PAC) intensives en platine (1g/kw), ce qui
    • Est très cher (plus de 100g par voiture, soit 3 onces, soit environ 3 000 USD)
    • Engendre un bilan environnemental mauvais du fait de l’énergie nécessaire à la production de platine.
  • L ‘«hydrogène gris » produit à partir du craquage du gaz naturel est le type d’hydrogène le moins cher à générer, mais est très émetteur de CO2. Ainsi, bien qu’il s’agisse d’une solution efficiente pour le stockage d’énergie, celle-ci présente peu de bénéfices environnementaux nets.
  • Absence d’infrastructures de production d’hydrogène à grande échelle et de réseaux de distribution (contrairement à l’électricité qui arrive dans chaque foyer).
  • Très mauvais rendement énergétique de l’hydrolyse utilisé pour produire l’«hydrogène vert».
  • Problématiques de stockage et d’acceptation sociétale des risque liés à une voiture avec un carburant de fusée.

Or, nous voilà aujourd’hui rassurés quant à la viabilité et au futur dudit gaz léger, et convaincus que l’économie de l’hydrogène connaitra un essor important dans la décennie à venir. Les raisons pour notre optimisme sont les suivantes :

  • Maitrise des briques technologiques :
    • Au niveau du stockage : les réservoirs sont très résistants (résistent à un tir par arme à feu) et l’hydrogène peut aller jusqu’à représenter 7% du poids total du réservoir plein contre 4.5% auparavant grâce à l’augmentation des pressions et l’allègement des réservoir grâce à de nouveaux matériaux (Faurecia).
    • Au niveau des PAC : Progrès effectués sur l’optimisation de l’utilisation de platine. Développement de technologies par impression qui contribueront à baisser grandement les besoins en platine.

 

Voiture à pile à combustible hydrogène (PAC)

 

  • Production et distribution :
    • Les milliards d’euros d’investissement annoncés vont permettre la constitution de ces réseaux
    • Les gazoducs très nombreux en Europe, pourront servir à l’acheminement de l’hydrogène de manière efficiente
    • Des investissements importants dans la production d’hydrogène vert (hydrolyse : 2H2O + énergie => 2H2 + O2) et dans la recherche pour produire de l’hydrogène bleu à partir du méthane (CH4 + énergie => C + 2H2) qui permet d’obtenir du noir de carbone (utilisé dans les pneus, les caoutchoucs, les encres notamment) et de l’hydrogène en utilisant du plasma (plasma triphasé développé initialement au PROMES-CNRS, puis à MINES-ParisTech).

 

Nos gazoducs existants pourraient servir à acheminer l’hydrogène

 

  • Diversité des applications :
    • Voitures à hydrogène (pile à combustible + hydrogène gazeux sous haute pression). Le business case est bien connu désormais, et ne manquaient que les infrastructures, et une optimisation des PAC et du stockage.
    • Avion à hydrogène (hydrogène liquide + turboréacteur). Ce gaz ne sera pas utilisé uniquement pour l’automobile. Airbus vient en effet de présenter sa feuille de route pour la commercialisation d’un avion à hydrogène en 2035.
    • Métallurgie à l’hydrogène. L’hydrogène pourrait être utilisé pour réduire l’empreinte de cette industrie très fortement émettrice de CO2 – rappelons que la sidérurgie émet entre 7% et 9% du CO2 mondial (contre environ 3% pour le secteur aérien).

Nous parlerons plus en détail de ces trois secteurs dans notre prochain article.

 

Une nouvelle force politique et industrielle

La question de la transition vers l’hydrogène a jusqu’ici en été une de standardisation et de CAPEX, or nous avons aujourd’hui une alliance industrielle et un soutien industriel sans précédent. Des dizaines de milliards d’Euros convergent sur cette thématique. La Commission Européenne, qui ne veut pas que l’Europe perde la bataille de l’hydrogène comme elle a perdue celle des batteries, fait tout son possible pour fédérer les acteurs privés. Elle a annoncé en juillet la création d’une alliance européenne sur l’hydrogène propre.

 

L’essor de l’hydrogène proviendra d’une synergie gouvernementale et industrielle.

 

Par ailleurs, le Hydrogen Council, créé en 2017 par 13 sociétés dont 4 françaises et 3 allemandes (Air Liquide, Alstom, Anglo American plc, BMW, Daimler AG, ENGIE, Honda, Hyundai Motor Company, Kawasaki Heavy Industries, Royal Dutch Shell, The Linde Group, Total S.A. et Toyota Motor Corporation) compte aujourd’hui 90 membres, signe que le secteur privé s’est emparé du sujet.

 

Qu’est-ce que cela devrait induire sur les besoins en métaux rares ?

 

Beaucoup de choses.

  • Des continuités :
    • Maintien des besoins en métaux réfractaires pour les superalliages au nickel dans l’aéronautique
    • Remplacement des besoins en métaux de l’industrie pétrolière pour les pipelines et forages (molybdène notamment) par des besoins… en pipelines pour l’hydrogène (et donc molybdène ?)
  • Des accélérations : Besoin d’augmenter significativement les capacités de production en énergies renouvelables de manière à mettre en place une véritable filière d’hydrogène vert (la production d’hydrogène par électrolyse étant par ailleurs une solution intéressante au problème d’intermittence des énergies renouvelables). Cela induit des besoins spécifiquement en néodyme pour les aimants des éoliennes offshore, en argent, en étain, en indium ou encore en tellure pour les panneaux solaires photovoltaïques.
  • Des ruptures :
    • Remplacement des besoins en platine pour les pots catalytiques de voitures diesel par des besoins en… platine pour les piles à combustibles (les perdant seraient ainsi, à terme, le rhodium et le palladium). La demande en platine pour les PACs et l’électrolyse devrait ainsi passer de 60 000 onces cette année à 420 000 onces en 2030.
    • Besoins nouveaux en catalyse pour augmenter l’efficience de l’électrolyse (platine, ruthénium, iridium).

Nous avons donc toutes les raisons de croire que la demande industrielle en métaux rares spécifiques augmentera avec l’avènement de la technologie de l’hydrogène. Investir dans le ruthénium et dans les métaux du groupe du platine, nécessaires à la production d’hydrogène, et investir dans les métaux nécessaires à la production d’énergie renouvelable (tels que le néodyme, l’argent, l’étain, l’indium ou le tellure) seront sans doute des choix judicieux dans la décennie à venir. Et notre valeur ajoutée, en tant qu’experts de classe mondiale en métaux rares, réside dans notre expertise et dans nos associations avec des acteurs académiques clés : autant de liens qui nous permettront de planifier nos opérations de vente et d’achat avec le plus grand degré de précision possible.

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