Métal d’alliage largement utilisé pour son apport à la dureté et à la résistance des aciers, le molybdène est indispensable dans de nombreux secteurs industriels : Sa criticité pour l’extraction, le transport et l’utilisation des énergies fossiles, ainsi que pour les applications militaires de dernière génération, font du molybdène un métal stratégique crucial. Néanmoins, sans l’apparition de nouvelles tensions géopolitiques majeures, la production en molybdène semble être en mesure de satisfaire les besoins mondiaux à court terme. Ainsi, le molybdène est un métal rare dont les perspectives de hausse de prix sont actuellement faibles, mais il pourrait s’avérer être un investissement physique judicieux si son prix continue de baisser en offrant aux investisseurs un bon point d’entrée. Il est dès lors un métal à suivre de près.

 

Qu’est-ce que le molybdène?

Le molybdène, de symbole chimique Mo, est un métal de transition de numéro atomique 42. Il appartient au groupe VI du tableau périodique des éléments, avec notamment le tungstène et le chrome. Le molybdène est de couleur blanc argenté et est réputé pour ses propriétés réfractaires exceptionnelles. En effet, le molybdène est l’un des métaux qui possède une température de fusion parmi les plus élevées (2620° C), tout en ayant une densité modérée (10,22 g/cm-3) contrairement aux autres métaux réfractaires, ce qui fait du molybdène un métal mineur de choix pour de nombreuses applications.

La teneur en molybdène en masse dans l’écorce terrestre est de 1,2 ppm (partie par million, 10 000 ppm correspondent à 1% en masse soit 0,00012 % pour 1,2 ppm), c’est le 58ème élément par ordre d’abondance. Il est cinquante fois moins abondant que le cuivre, auquel il est souvent associé dans les gisements de type porphyre, mais tout de même cinquante fois plus abondant que l’or.

Le molybdène est membre de la famille des « métaux rares », mais il reste un élément relativement abondant avec une production substantielle, à hauteur de 270 000 tonnes en 2018. Sous-produit du cuivre pour la moitié de sa production, notamment au Chili et au Pérou, il est également exploité dans des mines de molybdène dédiées, principalement en Chine et aux Etats-Unis. Le molybdène peut être associé au rhénium, un métal plus rare et stratégique, notamment pour l’aéronautique et la défense. Le marché du molybdène est évalué à environ $ 8 milliards.

 

Histoire du molybdène

Si les minerais de molybdène sont connus depuis l’Antiquité, ils étaient cependant confondus avec ceux de plomb, de part la ductilité et l’aspect brillant du molybdène. Ainsi, le nom de molybdène tire son origine du grec ancien molybdos, qui signifie plomb. Le principal minerai de molybdène, la molybdénite (MoS2), a été identifié en 1778 par le chimiste suédois Carl Scheele. Trois ans plus tard, un autre suédois, Peter Jacob Hjelm, isola le molybdène pur en grillant de la molybdénite.

Plus d’un siècle plus tard, en 1894, c’est au sein des usines Schneider du Creusot que les premiers aciers au molybdène pour le blindage furent élaborés. La production industrielle du molybdène prend son essor à partir de 1909, alors utilisé dans les filaments des ampoules à incandescence.

 

Les applications du molybdène

Outre ses propriétés réfractaires, le molybdène possède le coefficient de dilatation thermique le plus faible des métaux ainsi qu’une très bonne conductivité thermique. Les ferro-alliages concentrent donc plus des trois quart de la demande de molybdène, pour lesquels il améliore dureté, performances à haute température, résistance mécanique, ainsi que résistance à la corrosion et à la fatigue.

Consommation du molybdène par usage
Source : IMOA, 2018

 

Concrètement, le molybdène est ajouté en faible quantité dans nombre d’aciers, avec des teneurs allant de 0,2 % jusqu’à 2 % pour les aciers inoxydables. Ces aciers sont utilisés pour une majeure partie dans les industries pétrolière et gazière ainsi qu’automobile. En effet, l’amélioration de la dureté et de la résistance des aciers par le molybdène est cruciale pour les tiges de forage utilisées pour l’extraction du pétrole et du gaz, mais aussi pour tout le réseau de tubulure associé à leur exploitation et leur transport. Dans l’automobile, c’est l’allègement apporté par le molybdène qui est recherché, en plus des propriétés mécaniques accrues afin de renforcer certaines pièces du moteur et de la transmission. Les aciers contenant du molybdène sont également prisés dans le bâtiment (tunnels, ponts), dans la génération électrique (centrales nucléaires, turbines à vapeur et à gaz) ainsi que pour la fabrication d’outillages.

Le molybdène est largement utilisé dans certains produits chimiques : des lubrifiants, des peintures, des pigments, ainsi que comme catalyseur, notamment dans l’industrie pétrolière.

Le molybdène est également exploité sous forme de métal pur pour ses qualités spécifiques dans certains domaines de haute technologie, par exemple pour la fabrication de semi-conducteurs, d’anodes pour émission de rayons X dans le secteur médical, d’écrans LCD et tactiles ou bien de lampes et diodes.

L’aéronautique et l’aérospatiale ont recours au molybdène dans des alliages à base de nickel, que l’on nomme également « superalliages » pour leur comportement particulièrement résistant à haute température. Les motoristes utilisent largement le molybdène dans les superalliages destinés au milieu militaire, car ces alliages garantissent performance et de haute résistance, mais ces alliages sont également utilisés dans l’aviation civile. Les superalliages se trouvent dans les moteurs d’avions, siège d’importants échauffements ainsi que de puissantes contraintes mécaniques. En effet, les disques, aubes et arbres de turbine ou de compresseur du moteur doivent conserver une tenue en service avec des températures de fonctionnement allant jusqu’à 1400° C sur des cycles répétés, où des aciers classiques se détérioreraient prématurément. L’allègement des structures est également un enjeu majeur et grandissant de la conception aéronautique, auquel le molybdène contribue.

Présent dans des applications variées, le molybdène est donc un élément essentiel pour nombre de domaines, et notamment le secteur pétrolier (cf. graphique ci-dessous). Il est de plus très peu substitué du fait de son coût actuellement attractif ainsi que des propriétés qu’il apporte. Le taux de recyclage du molybdène reste actuellement assez faible, de l’ordre de 25 %, et principalement au cours de la fabrication d’aciers.

 

Consommation du molybdène par secteur
Source : General Moly, 2019

 

Investir dans le molybdène

Marché

Depuis 2010, le molybdène est coté publiquement au London Metal Exchange (LME) où il est possible d’acheter des contrats futures sur le molybdène. Il est également possible d’investir dans des compagnies minières spécialisées dans le molybdène, telles que Molymet, cotée au Chili, Climax Molybdenum, filiale de l’américain Freeport-McMoRan, ou bien China Molybdenum, cotée à Hong Kong et Shanghai. Reste enfin la solution d’investir dans le molybdène par l’achat physique.

Offre

Bien que près de la moitié des réserves connues se situent en Chine (et aucune en Europe hors Russie), la criticité du molybdène reste faible à court terme car l’offre de molybdène est répartie entre plusieurs compagnies minières dans des pays variés.

Néanmoins, la Chine, plus gros producteur mondial, a vu sa production chuter de 27 % entre 2015 et 2018 et cette tendance semble continuer depuis. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène :

  • Ralentissement de la demande domestique
  • Lutte contre la pollution générée par les rejets miniers
  • Coût de production chinois supérieurs à la concurrence mondiale du fait que la production de molybdène y est obtenue en tant que produit primaire, les coûts de production des mines chinoises de molybdène (de $ 6,7/lb à plus de $ 10/lb) sont supérieurs à ceux des autres producteurs (entre $ 3/lb et $ 6/lb) pour lesquels le molybdène est essentiellement obtenu en tant que sous-produit du cuivre (cf. graphique ci-dessous).
Production costs of major molybdenum mines
Coûts de production des principales mines de molybdène (US$ / lb)
Source : American CuMo, Economics, 2019.

 

De ce fait, et spécifiquement en raison de la baisse de la production chinoise, la production mondiale est en baisse de 10 % depuis 2014. Ce phénomène s’est accentué avec la COVID, qui, en impactant la production de cuivre, a aussi impacté celle de molybdène.

Cependant, la demande en cuivre, métal clé de l’électronique ainsi que de la transition énergétique et numérique, pourrait augmenter significativement à court terme, modifiant l’équilibre sur le marché du molybdène. En effet, si la part de la production de molybdène en sous-produit du cuivre représentait environ la moitié de la production totale il y a une dizaine d’années, cette part est en forte hausse et représenterait désormais, selon l’agence Roskill, 73 % de la production totale en 2019. Cela induit que le métal a vu son élasticité prix de l’offre baisser considérablement ces dernières années.

Demande

Les incertitudes concernant la demande en molybdène sont réelles. Malgré le fait que les plans de relance post-COVID annoncés à travers le monde visent les secteurs les plus intensifs en molybdène (pétrolier et gazier, aéronautique, automobile, construction), ceux-ci restent actuellement très fragilisés.

Puisque le molybdène est un métal d’alliage avec des perspectives d’émergence de nouveaux marchés relativement faibles dans les années à venir, sa consommation suit celle de ses secteurs clé. La chute des investissements pétroliers annoncés pour 2020, d’environ $100bn de moins qu’en 2019 selon Rystad Energy, laisse entrevoir une forte chute de la demande en molybdène, d’autant plus que cette chute d’investissements risque de perdurer dans les quelques années à venir.

Perspectives

L’oxyde technique de molybdène (utilisé pour les ferro-alliages) se négocie actuellement autour de $ 17/kg, soit 30 % plus haut que son prix le plus bas atteint fin 2015, mais à seulement 55 % de son plus haut historique Mars 2018. Voici les historiques de prix des différentes formes de molybdène, publié par Argus Metal :

 

Avec une demande actuellement impactée par la crise et une production relativement stable, car essentiellement obtenue en tant que sous-produit du cuivre, le prix du molybdène ne semble pas amené à augmenter fortement à court terme. Ce métal n’en demeure pas moins à un prix historiquement très intéressant ce qui, du fait de la criticité du molybdène pour des applications incontournables, en fait une très bonne opportunité sur le moyen/long terme.

 

Sources

  • L’élémentarium, fiche de l’élément molybdène, 2019.
  • IMOA : International Molybdenum Association, 2018, www. imoa.info.
  • BRGM, Panorama 2010 du marché du molybdène, Octobre 2011.
  • American CuMo, Economics, 2019.
  • Argus Metal, 2020.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *